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De Beyrouth à Baalbek, voyage dans le Liban d’aujourd’hui

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Par le hublot, un habitat serré et des façades colorées laissent deviner le foisonnement qui s’annonce. L’aéroport de Beyrouth ressemble un peu à celui d’une ville de province. Mais le Liban tout entier n’est-il pas plus petit que la région Ile-de-France ? C’est donc la capitale d’un de ces « grands petits pays » que l’on découvre en traversant le sud de la ville en direction du quartier d’Achrafiyé et de l’Hôtel Albergo.

Grand, le Liban l’est par son histoire multiséculaire. Son passage brutal, dans les années 1970, du statut de « Suisse du Moyen-Orient » aux déchirements de la guerre civile a laissé des stigmates encore profonds. Trop complexe si on se laisse intimider, le pays oblige ses visiteurs – surtout pour une escapade de quelques jours – à choisir des objectifs simples : flâner à la découverte des quartiers de Beyrouth, la cuisine et la nuit en maîtres mots ; explorer les ruines de Baalbek, dans la plaine de la Bekaa ; vivre l’hospitalité libanaise dans la fraîcheur et le silence d’une maison de Douma, un village du nord.

Chez Tawlet, pas de chef, mais le règne sans partage, par roulement, de cuisinières villageoises venues des quatre coins du pays.

Au fond d’une impasse du quartier de Mar Mikhaël, Tawlet, le restaurant ouvert il y a dix ans par ­Kamal Mouzawak, est une cantine honorant la cuisine domestique. Ici, pas de chef, mais le règne sans partage, par roulement, de cuisinières villageoises venues des quatre coins du pays pour proposer les plats traditionnels qu’elles préparent d’habitude pour la table familiale. Aujourd’hui, la cuisinière s’appelle Saydeh Rizkallah. Elle vient du village de Qaïtoulé, dans le sud-est du grand gouvernorat du Mont-Liban, et a préparé des daoud bacha, ces boulettes de viande typiques du Liban, fondantes à souhait. Du taro, du cresson alénois au goût de capucine et des cornes grecques (nos gombos) figurent aussi sur l’ardoise du jour. Quelle meilleure première adresse à Beyrouth que cette table à la fois chaleureuse et trendy ?

Poulet au blé vert
Autre style dans le quartier arménien de Bourj Hammoud,proche de Mar Mikhaël, où l’on se régale d’un soudjouk sur le pouce chez Mano, ou d’un manouché sorti du four chez Mano Bakery, juste à côté. Cette « pizza » libanaise au zaatar (mélange composé essentiellement de thym et de graines de sésame) se mange dès le petit déjeuner et jusqu’à la nuit. Le soir justement, retour à Achrafiyé, chez Liza, où s’exprime tout le raffinement de la cuisine libanaise. Dans un décor fait de lumière, l’élégance des clients – on reconnaît la femme de Walid Joumblatt, le chef des Druzes du Liban –, le service virevoltant et la saveur du taboulé ou du djej bel frike, un poulet au blé vert incroyable, font de cette adresse l’un des plus beaux souvenirs de la ville.

Le restaurant communautaire Tawlet honore la cuisine domestique du Liban.
Le restaurant communautaire Tawlet honore la cuisine domestique du Liban. Ivor PRICKETT/PANOS-REA
Beyrouth offre aussi de quoi nourrir l’esprit et l’œil : le Musée Nicolas Sursock, consacré à l’art moderne et contemporain, vaut surtout pour ses expositions temporaires et son architecture. En dehors d’Achrafiyé, il ne faut pas négliger la visite du Musée national de Beyrouth. Construit dans les années 1930, il fut le théâtre d’affrontements très violents pendant la guerre. Façade criblée de balles, salles dévastées par les soldats qui s’y battaient, il est aujourd’hui parfaitement reconstruit. Un film témoigne de son martyre, sans lequel on pourrait avoir l’illusion que rien n’est jamais venu troubler les plus belles pièces de cette collection archéologique : au rez-de-chaussée, le sarcophage du roi Ahiram, un bloc de calcaire finement sculpté portant sur un côté l’un des plus anciens textes écrits dans l’alphabet phénicien ; au sous-sol, les sarcophages anthropoïdes de la collection Ford, gisants sculptés dans le marbre trois cents ans avant Jésus-Christ et alignés ici comme à la parade.

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A l’arrière du bâtiment, les ascenseurs de verre offrent une vue cinématographique sur le merveilleux champ de courses de Beyrouth. Au-delà, c’est le quartier de Badaro. En sortant du musée, sur la place, une dernière halte gourmande s’impose. Chez Mum & I, et son équipe 100 % féminine, Samia Massoud propose une cuisine « comme à la maison », généreuse et fine. Le poulet au four – djej w batata bel forn – est magnifiquement citronné, et les côtes de blette à la crème de sésame sont parfaites.

« Il y a un concert gratuit tous les soirs à Beyrouth », raconte un vieux monsieur venu entendre la Chorale Fayha, où Arméniens, chrétiens et musulmans reprennent ensemble des chants de Noël.

C’est la nuit que la ville est la plus fascinante. « Il y a un concert gratuit tous les soirs à Beyrouth », me dit mon voisin de banc dans la jolie église Saint-Maron. Ce vieux monsieur sort tous les soirs, et s’informe sur le site Lebtivity. com, qui recense tous les événements culturels. Il est venu entendre la Chorale Fayha, où Arméniens, chrétiens et musulmans reprennent ensemble des chants de Noël. Devant un public sage et très nombreux, les textes sont chantés en arabe ou en arménien, et même en anglais ou en français. « Quel dommage que vous ne compreniez pas l’arabe, c’est très beau », continue mon ami d’un soir. De fait, c’est très beau aussi sans comprendre, et le concert est un triomphe. Plus tard, le même soir, c’est la réouverture d’une des boîtes les plus célèbres de la ville, le B018, qui occupe l’esprit des fêtards.

Des ruines et des vignes
Le lendemain, en route pour le site archéologique romain de Baalbek, on prend d’abord la route de Damas, avant de descendre dans la plaine de la Bekaa. Il suffit d’énoncer ce parcours pour en mesurer les périls. La Syrie en guerre est si proche, et la ville de Baalbek est un fief du Hezbollah, le parti islamiste chiite qui contrôle cette partie du Liban. Aller à Baalbek est « formellement déconseillé » par le ministère des affaires étrangères, mais des touristes le font sans cesse en toute sécurité, toujours conduits par des Libanais, amis ou agences locales de voyages. Le site de Baalbek comporte trois temples principaux, restes magnifiques d’Héliopolis, la ville romaine du début de notre ère. Les pierres ne se racontent pas, mais ce qui se dégage de ce chaos de colonnes, ici effondrées, là encore fièrement dressées vers le ciel, est un choc esthétique bouleversant. On ne traîne pas à Baalbek. Sur le chemin du ­retour, on découvre le Château Ksara, un domaine viticole aux caves spectaculaires qui nous rappelle que le Liban est aussi un pays de vignes et de vins.

A Baalbek, vestiges de la cité romaine d’Héliopolis.
A Baalbek, vestiges de la cité romaine d’Héliopolis. Thomas Doustaly/Le Monde
Enfin, si l’hiver libanais prive des plages, c’est la saison idéale pour découvrir les montagnes. A Douma, nous voici de nouveau chez Kamal Mouzawak, à Beit Douma, une maison d’hôtes à la fois chic et rurale. Dans ce village perché à plus de 1 000 mètres d’altitude, à 80 kilomètres au nord de Beyrouth, les nuits sont fraîches, calmes et étoilées. On dîne au coin du feu dès la tombée du jour. En venant de la capitale par la route côtière, on a fait une halte à Byblos, pour ses ruines écroulées vers la mer, son port de pêche et aussi pour Pépé. Ce restaurant culte affiche fièrement les visages des célébrités qui l’ont fréquenté, de Johnny, dans les années 1970, à… François Fillon en 2014 !

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En rentrant, on songe aux bras grands ouverts des Libanais, dont l’accueil est partout si chaleureux. « On a fini par s’habituer aux montagnes russes », nous avait dit, fataliste, Jihane Khairallah, la directrice de l’Hôtel Albergo, qui a vu se succéder les bonnes et les mauvaises années au gré des soubresauts géopolitiques. « Oui, 2018 a été une très bonne année. Les touristes reviennent au Liban », avait-elle ajouté en redoutant de trop s’avancer. Mais en rêvant d’une nouvelle année en paix.

Carnet de routeNotre journaliste a organisé son voyage avec l’aide d’Aya Désirs du Monde et Transavia.



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